L'IA fait le travail, mais qui donne la direction?

Une transition silencieuse mais réelle

L’intelligence artificielle est en train de redessiner le paysage du travail, souvent sans que l’on s’en rende compte. Ce qui semblait être un outil d’appoint se transforme progressivement en un collaborateur incontournable. L’impact ? Certains métiers évoluent, d’autres disparaissent.

Parmi les nombreuses transformations en cours, l’une d’elles est particulièrement frappante dans le domaine du développement logiciel : ce que j’appelle le “code intuitif” ou communément appelé “vibe coding” en anglais – une approche où l’IA prend en charge l’écriture du code, laissant les humains se concentrer sur la logique et la vision d’ensemble. Mais ça ne se limite pas au développement : il est le reflet d’une automatisation plus large, qui touche déjà d’innombrables secteurs.

Si l’IA devient capable d’effectuer des tâches autrefois réservées aux humains, quelle sera alors notre place dans cet écosystème en mutation ?

Quand l’IA écrit le code à notre place

Le code intuitif repose sur un concept simple : au lieu d’écrire ligne par ligne, ou de marteler la touche Tab pour compléter du code, on exprime simplement nos intentions en langage naturel, et l’IA s’occupe du reste. Il ne s’agit pas d’un mode “autopilote” total – nous restons en contrôle, ajustant et validant le travail produit.

Imaginez un professeur de mathématiques. Il peut expliquer un problème à un élève et lui donner les clés pour résoudre l’équation, ou alors… l’élève peut directement lui demander la réponse. L’IA fonctionne comme cet élève impatient : elle peut produire une solution immédiatement, mais sa qualité dépendra du niveau de compréhension du professeur et de la clarté de la question posée.

Aujourd’hui, les IA disposent d’un accès quasi illimité à la connaissance et à l’historique du code. On pourrait alors s’attendre à ce qu’elles produisent une solution parfaite du premier coup. Mais ce n’est pas si simple. Tout comme un étudiant peut faire des erreurs d’interprétation ou appliquer une méthode inadaptée, une IA générative peut produire du code qui “semble” correct mais qui est fondamentalement erroné. C’est là qu’intervient l’expertise humaine : valider, corriger, et orienter.

Aujourd’hui, cette approche est encore en cours d’expérimentation. Demain, elle pourrait bien devenir la norme.

Un impact sur les métiers et nos compétences

Si l’IA est capable de produire du code fonctionnel, que devient le métier de développeur ? Et si elle rédige, automatise et optimise les tâches commerciales, que devient le rôle du vendeur ?

Aujourd’hui, un développeur peut générer des blocs entiers de code en une phrase. Un commercial peut voir ses relances, ses argumentaires et ses stratégies affinés par une IA. Un designer peut obtenir des visuels en quelques clics.

Ce n’est plus une question d’automatisation pure, mais d’évolution des rôles. Quand une machine fait 80 % de votre travail, votre valeur ne disparaît pas : elle se déplace ailleurs. Reste à savoir où.

L’évolution suit une logique simple :

  • Automatisation partielle : Aujourd’hui, l’IA assiste les travailleurs (exemple : code intuitif pour les développeurs, CRM intelligent pour les commerciaux).
  • Automatisation avancée : L’humain reste en supervision, mais l’IA exécute la majorité des tâches avec peu d’intervention.
  • Automatisation totale : Certains métiers finissent par disparaître ou être drastiquement réduits en effectifs.

Cette dynamique ne concerne pas que les développeurs. L’IA ne se contente plus d’assister, elle optimise, accélère et, dans certains cas, surpasse les experts humains. NVIDIA en a récemment fait la démonstration : en seulement 15 minutes, une IA a optimisé une portion de code avec des performances supérieures à celles de ses ingénieurs expérimentés.

Mais jusqu’où cela peut aller ? Ces performances vont-elles continuer de s’améliorer à un rythme exponentiel, ou atteindront-elles un plateau comme toute autre technologie ? Une IA entraînée sur un modèle existant peut l’exploiter à son maximum, mais peut-elle sortir de ce cadre et inventer quelque chose de radicalement nouveau ?

Si elle progresse sans limite, alors quoi ? Si elle stagne, où se situera la frontière entre ce qu’elle fait mieux que nous et ce qui nous reste ?

Pour moi, ce sont ces “edge cases”, ces situations imprévisibles et uniques, qui définissent encore la valeur humaine. Un pilote de long-courrier n’a pas besoin de tenir les commandes en permanence, mais il devient indispensable en cas de turbulence. De la même manière, les experts ne sont pas remplacés par l’IA ; ils se déplacent là où l’IA n’a pas encore de réponse fiable.

Autre point crucial : l’anglais. 90 % des bases de données utilisées pour entraîner ces IA sont en anglais, et la majorité des avancées scientifiques et techniques sont publiées dans cette langue. Ne pas être à l’aise en anglais aujourd’hui, c’est limiter son accès aux ressources les plus pertinentes et risquer de se retrouver avec une IA mal entraînée sur ses propres problématiques.

Vers une Humanité augmentée

Nous ne nous dirigeons pas vers un monde où l’IA nous remplace entièrement, mais plutôt vers une ère où nous devenons des managers d’IA. Ce qui signifie que la valeur d’un professionnel ne reposera plus uniquement sur sa capacité à exécuter une tâche, mais sur son habileté à piloter une intelligence artificielle, à poser les bonnes questions, et à détecter les erreurs subtiles.

Cela ne concerne pas uniquement les développeurs. Dans quelques années, la plupart des interactions avec la technologie passeront par des interfaces conversationnelles où l’IA agira en arrière-plan. Aujourd’hui, nous passons d’une application à l’autre, enchaînant des copier-coller et des connexions manuelles. Demain, tout cela sera simplifié, et notre travail consistera principalement à guider l’IA dans la bonne direction.

Alors, comment rester pertinent dans ce nouvel écosystème ?

  • Utiliser l’IA quotidiennement : Pour comprendre ses forces et ses faiblesses, et apprendre à l’exploiter au mieux.
  • Se spécialiser sur des sujets difficiles à automatiser : Les edge cases sont la clé d’une valeur ajoutée durable.
  • Travailler en anglais : Pour accéder aux meilleures ressources et éviter d’être limité par des IA sous-entraînées sur d’autres langues.

Le code intuitif est un premier aperçu d’un futur où notre rapport à la technologie sera radicalement différent. L’IA ne remplace pas, elle transforme. Ceux qui l’adoptent en font un outil, ceux qui l’ignorent en subissent l’effet.

Comme toute technologie, son impact dépendra de ce que nous déciderons d’en faire.