La course à commencée
Chaque mois apporte son lot d’innovations majeures dans l’intelligence artificielle. Pour le grand public, ces changements — qu’il s’agisse de DeepSeek-R1, Claude ou d’autres — semblent abstraits, sans impact direct sur leur quotidien.
Pourtant, ces avancées creusent des écarts technologiques considérables entre les acteurs du secteur. Nous entrons dans ce que j’appelle la Phase 2, une homogénéisation du marché caractérisée par des avancées technologiques aux coûts prohibitifs et une vitesse d’innovation vertigineuse que seuls certains peuvent suivre. Il est maintenant compliqué, voire impossible, pour un nouvel acteur de pénétrer le marché.
L’une des découvertes clés de DeepSeek-R1 révèle un mécanisme inquiétant : un “petit” modèle d’IA distillé à partir d’un modèle plus puissant surpassera systématiquement un petit modèle similaire entraîné depuis zéro. Pour prendre une analogie automobile : imaginez que Ferrari puisse transférer 80 % des capacités de ses voitures de luxe à des véhicules plus modestes, sans coût. Il serait alors impossible pour ses concurrents, n’ayant pas accès à ces technologies, d’être compétitifs sur ce segment.
Cette réalité donne un avantage décisif aux géants comme OpenAI, Anthropic, Meta, etc. En investissant massivement dans des centres de données (data centers) spécialisés, les géants américains et chinois s’assurent une domination complète du marché. Leurs futurs modèles seront toujours plus puissants. La stratégie est imparable : posséder les modèles les plus performants permet de contrôler tout l’écosystème grâce à la distillation.
Face à cette situation, l’Europe doit agir urgemment pour préserver sa souveraineté numérique. Il ne s’agit pas de diaboliser nos concurrents, mais de comprendre une réalité simple : ceux qui contrôleront les modèles les plus puissants contrôleront l’ensemble du marché de l’IA. Bien entendu, nous pourrons toujours choisir de ne pas utiliser leurs outils, mais au prix d’une performance moindre.
Une réponse stratégique pour l’Europe
La solution ? Investir, dès maintenant et massivement, dans nos infrastructures, particulièrement dans la construction de centres de données. Commençons modestement, mais agissons sans attendre. L’Europe dispose d’atouts considérables, notamment une énergie relativement peu chère. Comme les États-Unis ont attiré TSMC pour construire des fonderies sur leur sol, l’Europe doit attirer ou développer ses propres champions de l’IA.
L’objectif n’est pas d’entrer en conflit avec ces puissances, mais d’assurer notre indépendance technologique. La souveraineté sur ces infrastructures critiques est la clé d’un développement serein de l’IA européenne.